Tombe de Toutankhamon : Le Mystère qui Fascine les Experts

La tombe de Toutânkhamon se situait dans un emplacement stratégique au centre de la vallée des Rois, cette nécropole royale établie à l'ouest de Thèbes. Contrairement aux imposantes pyramides qui signalaient ostensiblement la présence de richesses, les tombeaux de la vallée étaient soigneusement dissimulés pour contrer les pillards. La conception même des sépultures dans cette région visait à préserver le secret de leur emplacement.

Par ailleurs, la tombe elle-même présentait des caractéristiques inhabituelles. Celle-ci n'était pas la sépulture que Toutânkhamon s'était initialement préparée dans la lointaine Vallée des singes, mais plutôt une sorte de "cagibi" plus modeste où fut déposé précipitamment son trésor funéraire. Cette dimension réduite, comparée aux vastes hypogées habituellement destinés aux pharaons, a contribué à son oubli dans le paysage de la vallée.

Un facteur déterminant fut également l'effacement volontaire du nom de Toutânkhamon des archives officielles par ses successeurs, notamment Aÿ et Horemheb, puis les souverains de la période ramesside. Cette tentative d'effacer son règne de l'histoire a paradoxalement préservé son héritage : les pilleurs, ignorant son nom, étaient moins susceptibles de rechercher sa tombe.

L'élément le plus décisif dans la préservation du tombeau fut l'accumulation massive de débris au-dessus de son entrée. La sépulture de Toutânkhamon s'est retrouvée ensevelie sous plus de 150 000 tonnes de roche et de gravats provenant du creusement d'autres tombeaux à proximité.

Plus précisément, ce sont les déblais engendrés par la construction de la tombe KV9, appartenant aux pharaons Ramsès V et Ramsès VI, qui ont recouvert l'entrée de la KV62 (tombe de Toutânkhamon).

Cette couche protectrice s'est formée quelques années après l'inhumation du jeune roi, lorsque Ramsès V décida d'établir sa propre sépulture juste à côté. Les travaux d'excavation ont généré d'importantes quantités de gravats qui, déversés au-dessus de l'entrée du tombeau de Toutânkhamon, l'ont rendue totalement invisible pour les générations suivantes.

Par ailleurs, les crues soudaines qui survenaient parfois dans la vallée ont également contribué à ce phénomène d'ensevelissement. Comme l'explique l'archéologue Ghonim, "sans entretien, les tombes commencèrent à se voir ensevelies sous des torrents de boue et de gravats". Ce processus naturel a renforcé la protection offerte par les débris artificiels.

Malgré ces protections, la tombe n'est pas restée totalement inviolée. Des traces d'effraction ont été identifiées sur la porte d'entrée, indiquant que des pillards s'y étaient introduits à deux reprises peu après l'inhumation du pharaon. En examinant le premier mur au bas des escaliers, Howard Carter et son équipe ont constaté deux traces d'effraction qui avaient été refermées avec du plâtre et scellées par des sceaux différents.

Ces intrusions ne se sont toutefois pas traduites par un pillage complet du tombeau. Les voleurs se sont principalement emparés de petits objets facilement transportables comme des perles en pierres précieuses. Dans le couloir menant à la tombe, l'équipe de Carter a découvert des traces de ces larcins : cosmétiques, débris de verre, éléments de jeux, quelques bijoux, amulettes et perles. Une étoffe de lin a même été retrouvée, dans laquelle les pilleurs avaient réuni des bagues en or qu'ils ont dû abandonner précipitamment, probablement surpris par les gardiens de la nécropole.

Après ces intrusions, les autorités égyptiennes de l'époque ont fait colmater les fractures de la porte externe avec du plâtre et y ont apposé de nouveaux sceaux. Ces réparations, associées à l'ensevelissement progressif de l'entrée, ont finalement préservé la majorité du trésor funéraire pour la postérité.

Howard Carter, né en 1874 en Angleterre, était un artiste de formation devenu archéologue autodidacte. Arrivé en Égypte à seulement 17 ans, il fait ses premières armes comme dessinateur avant de gravir les échelons jusqu'à devenir inspecteur en chef des Antiquités pour la Haute-Égypte. Après des années de fouilles infructueuses dans la vallée des Rois, Carter demeurait convaincu que le tombeau du jeune pharaon Toutânkhamon restait encore à découvrir.

Sa quête était motivée par plusieurs indices archéologiques découverts au fil des années, notamment des objets portant le nom de Toutânkhamon retrouvés près de la tombe de Ramsès VI. Carter soutenait avec conviction que la sépulture du jeune roi devait se trouver quelque part dans la vallée, contrairement à l'opinion dominante des égyptologues de l'époque qui pensaient que tous les tombeaux royaux avaient déjà été mis au jour.

Le 5e comte de Carnarvon, George Herbert, passionné d'égyptologie, devint le mécène indispensable qui finança les recherches de Carter. Leur collaboration débuta en 1907 et se poursuivit pendant de nombreuses années, malgré les résultats décevants. En 1922, après plusieurs saisons infructueuses, Carnarvon envisageait sérieusement d'interrompre le financement des fouilles. Il accepta néanmoins de financer une ultime saison, qui s'avérera décisive.

Le 4 novembre 1922, le destin bascula lorsqu'un jeune porteur d'eau nommé Hussein Abd el-Rassul découvrit par hasard une première marche taillée dans la roche sous des débris. Carter, immédiatement alerté, fit dégager méthodiquement la zone, révélant un escalier menant à une porte scellée. Sur cette porte figuraient des sceaux intacts portant le nom de la nécropole royale.

Carter envoya alors un télégramme à Lord Carnarvon resté en Angleterre, avec ces mots sobres mais lourds de sens : "Enfin, ai fait merveilleuse découverte dans la vallée ; une magnifique tombe avec sceaux intacts ; refermée jusqu'à votre arrivée ; félicitations."

Le 26 novembre 1922, en présence de Lord Carnarvon enfin arrivé d'Angleterre, Carter pratiqua une petite ouverture dans la porte de la chambre funéraire. Lorsque Carnarvon lui demanda s'il voyait quelque chose, Carter prononça ces mots désormais célèbres : "Oui, des choses merveilleuses". Cette phrase simple traduisait l'émerveillement face à un trésor inestimable préservé pendant plus de trois millénaires.

L'archéologue décrivit plus tard son émotion dans son journal : "Au début, je ne voyais rien, l'air chaud s'échappant de la chambre faisait vaciller la flamme de la bougie. Puis, les détails de la pièce émergèrent lentement de la brume, des animaux étranges, des statues et de l'or, partout le scintillement de l'or."

L'antichambre, aux murs blanchis à la chaux et sans décorations, renfermait plus de sept-cents pièces entassées pêle-mêle. On y découvrit notamment des attributs royaux, trois lits funéraires en bois doré à têtes d'animaux (lion, vache et hippopotame), ainsi que deux lits ordinaires.

S'y trouvaient également quatre chars démontés, des sièges pliants et divers éléments du trousseau royal comprenant des tuniques, pagnes, vingt-sept gants et quatre-vingt-treize chaussures. Par ailleurs, l'antichambre contenait des armes (épées, javelots, arcs), des objets de toilette et même des instruments de musique comme des trompettes en argent et en bronze, considérées aujourd'hui comme les plus anciennes trompettes fonctionnelles connues.

La chambre funéraire, seule pièce décorée du tombeau, contenait environ trois-cents objets. Au centre trônait un immense sanctuaire doré abritant le sarcophage en quartzite rouge du pharaon. À l'intérieur se trouvaient trois cercueils emboîtés les uns dans les autres, "comme des poupées russes".

Le cercueil extérieur était en bois plaqué or avec marqueterie, tandis que le dernier, en or massif (110 kg), contenait la momie du souverain. Les murs de cette chambre étaient ornés de scènes du Livre des morts décrivant le voyage de la mort à la résurrection divine.

La chambre du trésor, gardée par une impressionnante statue d'Anubis au corps de chacal, renfermait environ cinq-cents objets. On y découvrit vingt maquettes de bateaux, cent-soixante-seize ouchebtis (statuettes funéraires), de nombreuses statues divines et même deux momies de fœtus, probablement les filles de Toutânkhamon mortes avant terme. Cette salle contenait également le coffre-chapelle aux canopes renfermant les viscères embaumés du pharaon.

La question de chambres cachées dans le tombeau de Toutânkhamon a suscité un regain d'intérêt depuis 2015. L'égyptologue britannique Nicholas Reeves a émis l'hypothèse que la chambre funéraire pourrait dissimuler deux pièces secrètes, dont l'une contiendrait potentiellement la dépouille de la reine Néfertiti. Cette théorie s'appuie sur l'analyse de scans haute résolution des parois qui révèlent des irrégularités intrigantes.

Néanmoins, les résultats des recherches récentes demeurent contradictoires. Alors qu'une première analyse radar semblait confirmer l'existence de cavités, des études ultérieures ont remis ces conclusions en question. En 2018, le ministère égyptien des Antiquités a finalement annoncé qu'aucune chambre cachée n'avait été détectée. Toutefois, certains chercheurs estiment que les techniques employées n'étaient pas suffisamment précises et que la question reste ouverte.

Plusieurs indices suggèrent que le tombeau n'était probablement pas destiné à Toutânkhamon. D'abord, ses dimensions modestes contrastent avec l'ampleur habituelle des sépultures royales. Par ailleurs, certains objets funéraires portent des traces de modifications, comme si les cartouches royaux avaient été adaptés à la hâte.

De fait, la mort prématurée du jeune pharaon à l'âge de 19 ans aurait contraint les officiels à réutiliser une tombe prévue pour un autre dignitaire, peut-être même celle d'Aÿ, son successeur. Cette hypothèse expliquerait l'organisation inhabituelle des salles et le caractère relativement sommaire des décorations murales, limitées à la seule chambre funéraire.

La légende de la "malédiction de Toutânkhamon" est née après la mort soudaine de Lord Carnarvon, survenue quelques mois après l'ouverture du tombeau. S'en suivirent d'autres décès parmi les personnes liées à la découverte, alimentant les superstitions.

Cependant, une analyse scientifique contredit cette croyance populaire. Une étude menée sur les 58 personnes présentes lors de l'ouverture du sarcophage révèle que leur espérance de vie n'a pas été significativement réduite. Howard Carter lui-même vécut jusqu'en 1939, soit 17 ans après la découverte.

En réalité, ce mythe résulte principalement de l'engouement médiatique de l'époque, à une période où l'occultisme connaissait un regain d'intérêt. Les spores de moisissures présentes dans certaines tombes anciennes peuvent effectivement provoquer des problèmes respiratoires, mais rien qui justifie l'idée d'une malédiction surnaturelle.

D'abord, cette découverte a considérablement modifié les méthodes archéologiques. Avant Carter, les excavations étaient souvent précipitées, tandis que son approche méticuleuse a établi de nouvelles normes de documentation. Par ailleurs, cette trouvaille a encouragé l'utilisation de technologies avancées pour la préservation des artefacts. En outre, elle a stimulé l'intérêt public pour l'archéologie, attirant une nouvelle génération de chercheurs vers ce domaine.

Ce jeune pharaon, autrefois obscur, est désormais l'une des figures antiques les plus reconnaissables au monde. Son masque funéraire doré est devenu un symbole universellement identifiable de l'Égypte ancienne. Les expositions itinérantes des trésors de sa tombe ont attiré des millions de visiteurs à travers le monde, faisant de Toutânkhamon un véritable phénomène culturel global.

Actuellement, la majorité des objets du tombeau sont conservés au Musée égyptien du Caire. Néanmoins, certaines pièces ont voyagé dans le cadre d'expositions internationales, permettant au public mondial d'admirer ces trésors exceptionnels. La gestion de cette collection représente un défi constant de conservation pour les autorités égyptiennes.

Le Grand Musée Égyptien, situé près des pyramides de Gizeh, accueillera bientôt l'intégralité de la collection de Toutânkhamon. Cette institution ultramoderne offrira des conditions optimales de conservation et des espaces d'exposition conçus spécifiquement pour mettre en valeur ces trésors millénaires. Ainsi, ce nouvel écrin permettra de préserver ce patrimoine inestimable pour les générations futures.